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On a goûté les vins sans alcool

Publié le par Hélène Piot

Après la bière et les spiritueux, c'est le monde du vin qui voit déferler la vague du sans alcool, une nouvelle tendance qui séduit de plus en plus de consommateurs. Peuvent-ils faire illusion ? Comment sont-ils fabriqués ? Dans cet article, découvrez notre sélection des meilleurs vins sans alcool ainsi que d'autres alternatives pour remplacer le vin traditionnel. Notre avis et tout ce qu'il faut savoir pour déboucher (ou pas) ces bouteilles d'un nouveau genre.

L'essentiel

Réalisé avec l'IA, validé par Régal.

  • La consommation de vin sans alcool progresse en France : 10 millions de bouteilles vendues en 2023, soit 1 % du marché, avec un objectif de 3 % d’ici 2025. Les Français sont de plus en plus nombreux à réduire ou arrêter l’alcool.
  • Le goût reste le principal défi : les blancs et rosés sans alcool sont plus réussis que les rouges, souvent jugés trop astringents. Les professionnels préfèrent proposer des alternatives comme des thés ou cocktails sans alcool.
  • Le débat reste vif : certains y voient une innovation intéressante pour répondre à une demande croissante, d'autres dénoncent des produits industriels éloignés du terroir et du vin traditionnel.
Verres de vin rosé sans alcool
© Tatiana Sviridova / Getty Images

La consommation de vin sans alcool en France

Tout d'abord, un constat : dix millions de bouteilles de vin désalcoolisé ont été vendues en France en 2023. Rapporté au marché du vin classique, c'est une goutte d'eau : à peine 1 %. Mais au pays de Rabelais, ce chiffre, en constante progression (il pourrait atteindre 3 % en 2025), interroge. Surtout quand on sait que la France est, avec l'Allemagne, la Finlande et les Pays-Bas, en tête de la demande de vins sans alcool ! C'est aussi le pays occidental qui, en 2022, a enregistré la plus forte progression de nouveaux buveurs de boissons désalcoolisées (+ 25 %). Devant cet engouement, les producteurs multiplient l'offre : Pierre Chavin, Le Petit Béret, Moderato, Sober Spirits, French Bloom, Ousia, So Jennie, Maison Becat… Flairant la bonne affaire, les marques de distributeurs s'y mettent, Carrefour ayant récemment ouvert la marche avec pas moins de sept références dans sa gamme Bons Moments.

  • 13 % des adultes français ne consomment pas d'alcool
  • 44 % des Français cherchent à réduire ou stopper leur consommation d'alcool
  • 53 % des consommateurs de vins se disent intéressés par la consommation de vin sans alcool

Source : Moderato/Sowine /Dynata 2023

Est-ce que le vin sans alcool a le même goût que du vin classique ?

Et est-ce que c'est vraiment bon ? Disons-le tout net : pour un amateur de vin, c'est d'abord… déstabilisant. Notre dégustation le prouve : dans l'ensemble, les arômes sont beaucoup plus proches du vin classique que les saveurs. Autre constat : les vins sans alcool de type blancs ou rosés sont beaucoup plus convaincants que les rouges. Parmi ces derniers, les tanins, qui ne sont pas arrondis par le glycérol habituel (un alcool qui donne une sensation de moelleux), paraissent très astringents. L'explication est scientifique : « Enlever l'alcool, c'est déséquilibrer la matrice de la boisson, détaille Hortense Brière, experte boissons no-low chez B&S Tech, dans le livre Sans alcool, nouvel art de vivre (éd. Massin). Il va falloir compenser cette perte avec des produits œnologiques qui existent déjà dans le monde du vin traditionnel, comme de la gomme arabique pour donner de la texture, du moût concentré rectifié pour redonner un peu de sucrosité, mais aussi des tanins, du boisé… »

Mixologue préparant un cocktail dans un bar
Les professionnels de la restauration proposent encore peu de vins désalcoolisés et préfèrent les mocktails, les grands crus de thé ou encore les boissons fermentées. © Bruno Postigo / Adobe Stock

« C'est beaucoup plus facile de proposer une alternative plutôt que du vin désalcoolisé. Parce que dès que les clients entendent “vin”, ils s'attendent à retrouver des goûts connus… ce qui n'est pas possible »

Une somme de compromis qui, pour les sommeliers professionnels, n'est pas très satisfaisante. Résultat : quand la Ligue contre le Cancer a lancé en janvier l'opération Les Accords essentiels, destinée à promouvoir le sans-alcool, en partenariat avec sept restaurants étoilés à travers la France, tous les établissements se sont empressés de mettre au point des cocktails plutôt que de proposer des vins désalcoolisés. La Table d'à côté, à Ardon dans le Loiret, a imaginé des préparations à base d'agrumes et de fermentation de riz ; Tracé, à Paris, a associé un gin sans alcool à un sirop de fleurs maison, etc. « C'est beaucoup plus facile de proposer une alternative plutôt que du vin désalcoolisé. Parce que dès que les clients entendent “vin”, ils s'attendent à retrouver des goûts connus… ce qui n'est pas possible », remarque Andrea Harel, le sommelier du chef étoilé Mallaury Gabsi, à Paris. Dès 2023, le duo a été l'un des premiers à inscrire les thés Grands Jardins à sa carte. Présentées en bouteilles sombres, comme le vin, les différentes cuvées, à base de grands crus de thés, ont été spécialement conçues pour la table. « Je ne les impose pas, je commence par les faire goûter, commente Andrea Harel. Neuf fois sur dix, les clients sont conquis. »

Portraits de Mathilde Boulachin et Armand Heitz
© Soufiane Zadi / DR

Pour ou contre le vin désalcoolisé ?

POUR

Mathilde Boulachin, fondatrice de Chavin, leader français du vin sans alcool.

« Nous proposons des boissons qui peuvent séduire aussi bien ceux qui n'ont pas de référentiel vinicole, que ceux qui consomment du vin mais ont envie de lever le pied momentanément ou définitivement sur l'alcool. Ceux-là cherchent des profils plus complexes et vineux, et nous avons des réponses pour chaque occasion : apéritif, repas gastronomique, dessert… Le vin gardera toujours sa place sur les tables, mais il est passionnant d'explorer de nouveaux horizons. »

CONTRE

Armand Heitz, vigneron en Bourgogne et Beaujolais.

« Plutôt que de consommer en janvier une boisson désalcoolisée, industrielle, au bilan carbone catastrophique et qui ne valorise aucun terroir, puis de commander le reste de l'année 1 mètre de shooter en happy hour le jeudi soir, il me semble largement préférable d'ouvrir une bouteille de bon vin de temps en temps. Moi qui travaille en agroécologie et en permaculture, je suis atterré de voir comment sont produites ces boissons. Alors que le meilleur achat qu'un vigneron puisse faire à la cave, c'est une chaise pour regarder sa cuve travailler et ne pas intervenir. »

Vin ou pas vin ? C'est flou. Légalement, tout breuvage dont le degré alcoolique est inférieur à 8,5 ° n'a pas droit à l'appellation « vin » mais à celle de « boisson à base de raisin ». Mais l'Organisation commune du marché viti-vinicole (européenne) autorise depuis 2024 la possibilité d'indiquer « vin désalcoolisé » ou « vin partiellement désalcoolisé ».

Verres de vin blanc, vin rosé, et cocktails
© Marko Jan / Getty Images

6 conseils de dégustation

  1. Lancez-vous avec les blancs et les rosés, plus proches des vins classiques que les rouges.
  2. Commencez par les vins pétillants, car les bulles qui éclatent au palais et dans la gorge trompent assez efficacement le cerveau quant à la présence d'alcool.
  3. Avec les vins rouges, pensez à inclure des fruits rouges ou noirs dans les recettes pour amoindrir la sensation d'astringence : canard aux cerises, poulet fesenjan aux grenades et aux noix, tagine d'agneau aux pruneaux, civet de chevreuil au cassis…
  4. Si le cépage est indiqué, optez pour une variété au goût marqué (sauvignon, syrah, grenache, carignan) qui donne de bien meilleurs résultats que les plus discrets chardonnay, pinot noir ou merlot.
  5. À table, privilégiez salades, légumes, poissons, fruits de mer, poulet rôti et fromages fondus (raclette, etc.) qui supporteront mieux l'acidité que les viandes rouges.
  6. Mais le plus important à garder en tête, c'est : n'imaginez pas une seconde que vous allez retrouver vos repères habituels, mais aventurez-vous en terre inconnue et faites-vous plaisir. Sans modération.
Couverture du livre "Paris sans alcool Friendly".
© DR

Où acheter du vin sans alcool à Paris ? Les bonnes caves à visiter

Du sans-alcool, on en vend partout. Mais pour l'équipe du Paon qui boit, l'un des premiers cavistes sans alcool de Paris, qui a rédigé ce guide, une « vraie » adresse coche un maximum de bonnes cases : des boissons diversifiées (au moins dix choix), de qualité, peu ou pas sucrées, si possible locales voire faites maison, une carte renouvelée régulièrement… 100 pépites à découvrir.

Paris Sans Alcool Friendly, de Raphaële Bortolin, Maud Catté et Augustin Laborde. Ed. L'Indispensable, 12,90 €.

Quels sont les meilleurs vins sans alcool ? Notre sélection de blancs et de rosés.

Bons Moments (à petit prix !)

Parmi les 7 références, nos deux préférées sont ce rosé aux délicates notes de cannelle avec un acidulé bien maîtrisé, et un blanc pétillant bien fruité (raisin blanc ananas et vanille), sans aucune sensation de sucre en finale. > Rosé, 3,10 €. Blanc pétillant, 5,40 €.

Estandon Virgin

Cette belle marque propose deux rosés : Zéro sur Vin, à 0° d’alcool, et Virgin, à 0,5 °. Cette deuxième cuvée nous a davantage plu que la première : l’infinitésimale dose d’alcool donne vie, rondeur et volume à une joyeuse palette fruitée. > 9,50 €.

Zéro Limit (Alsace)

La coopérative alsacienne Bestheim signe ici une cuvée festive aux bulles fines, très marquée par les arômes de muscat et de poire légèrement vanillés. Un produit à déguster seul, avec un fromage de chèvre frais ou une galette des rois en saison. > 10 €.

Java

Ce coteaux-d’aix-en-Provence désalcoolisé offre un nez de fraises compotées et de pommes, et une bouche aux accents de mûres et de framboises. Le résultat est agréable, pas trop acide, certes pas très long, mais sympa sur une salade ou une grillade de porc. > 14 €.

Chavin Zéro

Un nez de fleurs blanches, une bouche légèrement perlante et très acidulée jusqu’en finale, qui tire vers les fruits exotiques (ananas et passion) : on imagine bien ce sauvignon blanc, vin de France 2023, avec un carpaccio de poisson ou même des huîtres> 14 €.

Nooh by La Coste 

Bluffant ! On pourrait confondre cette cuvée avec un vin classique. Le nez est celui d’un bon rosé, la bouche équilibrée, avec une petite finale citron pamplemousse très agréable. Les bulles remplacent l’alcool pour chatouiller la gorge, le plaisir est là. > 35 €. 

Femme dégustant un vin rosé dans les vignes
L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. © Marina April / Adobe Stock

Est-ce que boire du vin sans alcool est bon pour la santé ? 

Tou d’abord, comment on le désalcoolise ?

Les deux principales méthodes sont l'osmose inverse, qui élimine l'alcool à travers des filtres, et l'évaporation sous vide entre 28 et 35 °C. La première est très gourmande en eau et en énergie, la deuxième nécessite un équipement spécifique, coûteux et peu répandu qui implique souvent d'expédier les boissons très loin de leur lieu de production initial. Dans les deux cas, le processus de désalcoolisation engendre un très mauvais bilan carbone. En revanche, bonne nouvelle, les bienfaits antioxydants du raisin, comme les polyphénols, sont préservés !

Composition d’un vin désalcoolisé :

Vin désalcoolisé et parfois du jus concentré, du sucre, des sulfites. Le taux d'alcool doit être inférieur à 0,5 %. Seuls les vins étiquetés 0,00 % n’en contiennent pas du tout.

Avis d'experts

Comme la bière sans alcool, les vins désalcoolisés sont moins caloriques (20 à 25 calories pour 100 ml) et sucrés (2 à 4 g pour 100 ml) que les sodas ou même les jus de fruits. Mais attention pour les femmes enceintes, elles doivent absolument les éviter car la plupart de ces boissons renferment de petites quantités d’alcool (voir ci-dessus) qui peuvent présenter un danger pour le fœtus.

60 Millions de Consommateurs s’est aussi interrogé sur les risques à succomber à ces boissons pour les personnes dépendantes à l’alcool. "Sur le plan purement chimique, il n’y a pas d’alcool, donc on ne peut pas dire que ces boissons sont dangereuses. Mais c’est le message publicitaire et la confusion qu’il installe qui peuvent fragiliser les gens", résume le président d’Addictions France, Bernard Basset cité par l’association.

Source : Santé Magazine.

D'autres boissons sans alcool à découvrir

Pas convaincus par les « vins » ? Bonne nouvelle, il existe plein d'alternatives délicieuses.

Brasserie parallèle

Cette IPA sans alcool offre incontestablement un nez de bière classique : houblon, un côté très floral, on sait où on est. La bouche est légèrement sucrée, bien amère, un peu courte mais très désaltérante. > 2,95 € les 33 cl.

Archipel bio

Une très belle gamme de kombuchas bio aux goûts marqués (feuille de cassissier, de figuier, de clémentinier…) très peu sucrés, et tenant bien leurs promesses. Aussi sympa dégustés seuls qu'à table. > 3,50 € les 33 cl.

Granith

Sur le papier, cette boisson rosée pétillante est un assemblage de feuilles de figuiers bio, de myrtilles sauvages, de verjus, de romarin et de jus de raisin muscat. Dans le verre, on sent surtout des arômes très marqués de cardamome et un peu de clou de girofle. On adore ou on déteste… En bouche, c'est léger, acidulé, non sucré et d'une belle longueur. > 14 € les 75 cl.

Nivers

Du kombucha issu de grands crus de thés, du verjus, des extractions de fleurs, de fruits et une touche de mystère composent ces trois cuvées qu'on retrouve dans de nombreux restaurants étoilés. Et pour cause : leurs arômes sont suffisamment complexes, subtilement amers ou acidulés pour séduire sommeliers et œnophiles. > 22 € les 75 cl.

Sources

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