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L'avenir de la restauration, par Yves Camdeborde

L'avenir de la restauration, par Yves Camdeborde © DR

Publié le par Eve-Marie Zizza-Lalu

Cuisine spectacle ou quête de sens ? L’inventeur de la bistronomie nous raconte comment il voit évoluer notre rapport au restaurant et au terroir dans les prochaines années.

Interview

Régal. Comment voyez-vous l’avenir de la bistronomie ?

Yves Camdeborde. La jeune génération revient vers les grands classiques, avec un côté régressif. Surtout, le fossé se creuse entre la bistronomie et la haute gastronomie. Dans le premier cas, on cherche avant tout à passer un bon moment ; dans l’autre, on est en quête d’une démonstration de savoir-faire. Déjeuner ou dîner à une table étoilée, c’est aller au théâtre et se laisser embarquer dans un scénario, un conte, dont vous êtes partie prenante. Il y a un niveau de technicité exceptionnelle qui va aller croissant. C'est plus que jamais une cuisine d'auteur. À quelques exceptions près (Bruno Verjus ou Alain Passard qui continuent à faire une cuisine de produit), les chefs étoilés racontent leur histoire personnelle, orchestrée par la salle, qui connaît la partition par coeur. On évolue vers un spectacle total, visuellement impressionnant, qui met parfois le goût en veilleuse.

R. Et qu’en est-il du retour au terroir ?

Y. C. C’est une lame de fond. Cette cuisine des produits qui s’appuie sur les producteurs est le fondement de la bistronomie. Mais on va aller plus loin. Le phénomène des potagers de chefs va essaimer partout. On commence à voir arriver des légumes fraîchement cueillis sur des tables basiques. Les jeunes restaurateurs se rendent bien compte qu’un navet cultivé en pleine terre et qui n’a jamais vu le frigo a un goût incomparable. Utiliser ce genre de produit permet aussi de limiter le gaspillage. Pour moi, la prochaine révolution culinaire naîtra de cette approche antigaspi, qui suscite une nouvelle créativité. On va mettre en valeur des parties qu’on avait tendance à jeter, ou qu’on utilisait pour lier des sauces à la grande époque de Bernard Loiseau.

R. Pressentez-vous des changements dans la structure du repas : proportions, menu dégustation, tapas ?

Y. C. Les portions sont plus petites qu’il y a vingt ans, c’est mieux nutritionnellement. La tendance est plutôt à la légèreté avec la mode des tapas et des assiettes à partager. Les jeunes adorent cette finger food. Personnellement, je n’aime pas les petites bouchées isolées. Quand j’apprécie un plat, j’ai envie d’y revenir pour prolonger le plaisir. Encore une fois, le restaurant, c’est un tout. Ce qui compte, c’est l’expérience globale, le moment, la chaleur humaine. C’est vrai aussi pour les chefs. On a envie qu’ils soient là, qu’ils viennent en salle, qu’un lieu soit incarné. Je suis optimiste pour l’avenir. Les jeunes maîtrisent parfaitement leur image. Ils savent ce qu’ils veulent. S’ils n’oublient pas le goût en cours de route, ils ont tout pour faire bouger les choses dans le bon sens.
 

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